Nous appareillons de bon matin. Une brume épaisse nous enferme dans un cocon ouaté. Tout est calme. Nous faisons route vers Tromsø pour la dernière ligne droite de l’expédition. Au fur et à mesure que nous approchons, la visibilité s ‘ouvre sur un grand ciel bleu. A 10h00, nous entrons comme convenue dans le port. Le loch indique 21 687 milles nautiques parcourus (40 164 kms) depuis un an. Une partie de l’équipe et des équipiers sont là pour nous accueillir. En ce moment joyeux et solennel, je pense à l’ensemble de l’équipe et des équipiers sans qui cette aventure n’aurait pas existée.
Tout s’enchaîne rapidement, nous sommes absorbés par le programme chargé de la journée. L’ambiance est joyeuse. Avec Laurent, nous partageons le sentiment confortable d’avoir réussi à conduire « Soutier Star » d’étapes en étapes sans le moindre retard pendant un an.
Ainsi s’achève la dernière étape de l’expédition « Around North America 2008, 2009 ». Nous allons désormais avoir plus de temps à consacrer aux films, bouquins, conférences afin que notre enquête de terrain puisse continuer à profiter au plus grand nombre.

Ont participé à cette étape :

En haut de gauche à droite : Laurent Cérésoli (France), Vincent Berthet (France), Olivier Pitras (France), Pierre-Charles Gueroult (France), Fatima Do Ceu (Portugal), Jean luc Alexandre Held (Suisse).

En bas de gauche à droite : Vonne Blanchet (France), Charlie Mélédo (France)

Equipage Reykjavik - Tromsø
Photo Knut Vibé
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Arrivée à Tromsø
Photo Knut Vibé
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Encore une journée de beau temps. Décidément, nous finissons l’expédition dans des conditions idéales. Les derniers préparatifs d’arrivée vont crescendo, les expos photos sont en place ainsi que la conférence. Une partie de l’équipe arrive dans la soirée à Tromsø. Nous les retrouverons demain matin. Nous mouillons en milieu d’après midi dans l’est de Ryøya. Le mouillage est inondé de soleil, les versants des montagnes environnantes sont immaculés. Nous apercevons au loin dans le nord-est l’île de Tromsø. C’est incroyable d’être là, tant de choses se sont passées depuis un an, nous avons du mal à réaliser.
Le loch indique 21 679 milles nautiques (40 150 kms).

La journée démarre par une baignade. Rassurez-vous, avec combinaison sèche et bouteille de plongée car l’eau est plutôt fraîche. A peine avons-nous remonté le mouillage que nous prenons un bout dans l’hélice. Il n’y a pas d’autre choix que de plonger pour nous en dégager. La plongée et les eaux turquoises sont habituellement associées aux tropiques. Nous sommes pourtant bien en Norvège. La sortie de notre abri est saisissant de beauté. Nous faisons la route sous un grand soleil et un ciel sans nuage. Le baromètre est remarquablement haut. Nous jetons l’ancre en début de soirée dans l’ouest de la petite île « Hestøya ».
Le loch indique 21 657 milles nautiques.

La matinée est bien entamée quand nous prenons la route. L’étape de la journée nous fait passer dans des canaux dont la largeur n’excède parfois pas un demi mille. Nous sommes au cœur des montagnes. Par endroits, les prairies déroulent leurs verts manteaux jusqu’aux plages de sable blanc. Quand le soleil pointe, l’eau peu profonde prend des reflets turquoise. Nous mouillons en fin d’après midi dans le mouillage de Kjoetta. Tout est paisible. L’équipe débarque un instant sur l’île de Kjoetta Kalven qui nous protège du nord. Quelques oies y ont fait leur nid.

Nous sommes prêts à appareiller mais nous manquons d’eau pour pouvoir nous dégager du ponton. Nous attendons un peu. A midi, nous pointons notre étrave vers le fond du Vestfjord. La chaîne des Lofoten disparaît au loin alors que nous nous enfonçons plus avant dans le dédales de canaux. L’organisation de l’arrivée à Tromsø bat son plein, heureusement que nous sommes désormais reliés au réseau mobile. En fin d’après midi, nous arrivons au petit village de Lødingen.

Pluie, pluie, pluie ce matin, il semblerait que toute l’eau de la création ait décidé de s ‘abattre sur nos têtes. Nous sortons du fjord en glissant sur une onde devenue parfaitement calme. Une fois dehors, la pluie s’arrête. Les sommets se dégagent en partie. La neige subsiste très bas dans les vallons les plus encaissés. Nous franchissons les trente milles qui nous séparent de Svolvaer en eaux calmes et en profitant des paysages époustouflants de beauté. Ainsi, au gré du vent et des nuages les versants se colorent, les sommets percent, les névés s’illuminent. La mer, les montagnes et le ciel s’enlacent et déclinent à l’infini les nuances de gris.

Journée off aujourd’hui, pluie. Chacun vaque à ses occupations. Randonnée, courrier et nettoyage sont les activités principales. Nous reprenons la route demain.

Le vent est portant, modéré. Nous marchons bien vers notre destination que nous savons désormais proche. En fin de matinée, nous apercevons les premiers îlots des Lofoten, roches abruptes, escarpées surgissant de la mer de Norvège. Une deuxième hirondelle nous rend visite. Le ciel est chargé, nous découvrons les îles au fur et à mesure de notre progression. Les paysages sont d’une sauvagerie fascinante. Parfois le, soleil perce la grisaille d’un rayon diaphane qui colore de vert tendre les versants jusqu’alors anthracites.
L’après midi touche à sa fin quand nous atterrissons dans le minuscule fjord et port de Nusfjord. Quelques personnes sont là, des norvégiens de passage. Nous sommes de retour en Norvège après bientôt un an.
Cette arrivée marque la fin des étapes hauturières de l’expédition. Les quelques jours de navigation qui nous séparent de Tromsø se feront au calme, sous la protection des fjords et loin des houles du large.
Le loch indique 21 501 milles nautiques.

Au petit matin, le vent se calme, nous retrouvons une allure confortable pour le reste de la matinée. Pourtant, au loin, une bande de ciel plus clair approche rapidement et annonce le retour du vent. La confirmation ne se fait pas attendre. En quelques minutes, le ciel se dégage au-dessus de nos têtes, le vent se met à souffler avec force. Sa direction et surtout l’aspect provisoire de ce front ne vaut pas le coup que nous concédions à la route. Nous mettons donc à la cape le temps du repas. Le timing est parfait, le vent tombe au moment où le café est servi, nous pouvons reprendre notre route où nous l’avions laissé. A 19 heures, nous franchissons le cercle polaire pour la quatrième fois de l’expédition. C’est toutefois une première pour cinq d’entres nous et nous célébrons l’événement autour d’un verre. Désormais, nous ne devrions plus avoir de vents forts jusqu’à l’arrivée aux Lofoten.
Loch : 21369 miles nautiques.

Le début de journée est plutôt tranquille. Par moments, quelques vagues s’invitent sur le pont mais restent courtoises. Pourtant, insensiblement, sans même que l’on s’en aperçoive, le vent augmente d’heure en heure. Les réductions de voilure balisent cette douce montée en puissance. La mer reste relativement calme. Il faut attendre la soirée pour voir un vent souffler en violentes bourrasques. Sous voilure réduite nous tenons la route vers l’immense Vest Fjord qui marque la séparation entre l’archipel des Lofoten et le reste des côtes norvégiennes. Il y a une heure, une hirondelle s’est réfugiée à bord. Elle a probablement été emportée par les vents qui soufflaient en tempêtes autour des îles Shetlands.

Au petit matin, le vent se calme. Il est 7 heures du matin. La terminologie traditionnelle n’est plus adaptée puisqu’il ne fait désormais plus nuit. La mer s’assagit rapidement et nous pouvons profiter d’une journée paisible. Nous prenons garde de ne pas trop monter en latitude pour rester sur le bon versant de la dépression. En fin de journée, le baromètre indique 984 mb. Nous attendons du vent de nouveau pour demain. Si les conditions restent conformes au modèle, il ne devrait pas excéder les 35 nœuds alors que 50 sont annoncés au nord-ouest des Hébrides.
Loch : 21097 milles nautiques.

Après une légère accalmie dans la matinée, le coup de vent a repris de plus belle, Les quarts se succèdent humides et froids. Beaucoup d’eau passe sur le pont, le cockpit est régulièrement rempli. En début de soirée, une vague plus haute, plus agressive que les autres se brise sur nous. Le barreur a juste le temps de prévenir les autres en apercevant le mur d’eau prêt à s’abattre. En un clin d’œil, le pont est entièrement recouvert d’une épaisse chape d’eau tandis que les équipiers de quart se retrouvent pendant un instant avec de l’eau jusqu’aux cuisses. Dans de
telles circonstances, il est difficile de garder toute cette eau dehors. De petites infiltrations ont eu lieu par les descentes, la cheminée centrale et la poutre de barre. Rien de grave heureusement. Southern Star accomplit un travail exemplaire. Nous avons quitté le plateau qui relie les îles Féroé à l’Islande et faisons route désormais en mer de Norvège.
Loch : 20 930 milles nautiques.

La nuit est paisible malgré la houle qui nous empêche de porter toute la toile que nous voudrions. Notre attente n’est pas longue. En milieu de matinée, le vent se lève à l’ouest et prend rapidement de la force. Une heure plus tard, nous sommes dans le coup de vent. La mer est grosse. Nous enregistrons dans l’après midi un surf à 18,5 nœuds. Nous devrions garder ces conditions jusqu’à demain soir.
Loch :20 783 milles nautiques.

Quand nous atteignons la pointe sud-ouest de l’île, nous voyons parfaitement l’îlot Eldey malgré l’heure tardive. Sa masse se découpe sur l’horizon, ses falaises sont abruptes. Désormais, la lueur du soleil sous l’horizon reste permanente la nuit. Elle tourne vers le Nord et revient vers l’Est avant le lever du soleil. Nous filons vers le sud-est. La mer s’assagit au fur et à mesure que nous progressons. Dans la matinée, tout le monde réapparaît sur le pont. Les visages retrouvent de la couleur. Ceux qui faisaient marcher le bateau depuis 24 heures peuvent se reposer. La journée se passe ainsi, l’équipage prend ses marques. Nous marchons bien. Loch 20 593 milles nautiques. Une dépression est attendue dans la matinée, elle devrait nous apporter des vents portants.

La ville est bien calme en ce lendemain de fête du travail. Pourtant, malgré les apparences, tous les services dont nous avons besoin répondent à l’appel. Un camion de fuel nous attend de l’autre côté du port. Une fois les pleins d’eau achevés, nous le rejoignons. La douane arrive également. La sortie et le plein de carburant se font simultanément, ainsi nous sommes rapidement prêts à l’appareillage. Dès la sortie du port, l’ambiance est posée. La houle gonfle et brise sur les îles environnantes. Les estomacs sont menés à rude épreuve et la moitié de nos effectifs est mise en touche. Nous établissons une voilure réduite et facile à gérer en petit comité. La brise est instable, les grains sont fréquents. Nous sommes contre le vent jusqu’à la sortie de la baie mais après, les vents seront favorables pour partir vers l’est. Nous prenons notre mal en patience. La lune qui monte est présente en fin d’après midi. De toute manière, il ne fait quasiment plus nuit. Nous allons bientôt pouvoir diriger notre étrave vers le sud-est et aller avec une mer de côté plutôt que contraire.